Éloge de la délicatesse. Les fleurs de Weronika Anna Rosa.

On ne croise pas la délicatesse tous les jours au coin de la rue. Mais un jour, alors que j’empruntais un chemin que je connaissais par cœur, que je ne m’attardais plus sur les façades, le regard automatiquement plongé dans mon téléphone, un détail m’a interpellée. Dans la rue Nova de São  Mamede, à Lisbonne, c’était un jour sans couleur. Je revois la porte de ce que je croyais être un magasin et qui s’est révélé être un salon de coiffure, ouvrant sur une pièce aux murs couverts d’un bois profond et habillés de panneaux verticaux de fleurs, jaunes, vertes, pourpre, surlignées de dorés, des fleurs dont on jurerait qu’elles dansaient sur la toile. Je me suis approchée et j’ai voulu savoir qui était derrière ces panneaux, qui avait esquissé leurs contours avec tant de grâce. 

Quelques jours plus tard, je rencontrais l’artiste. Elle s’appelle Weronika Anna Rosa, est polonaise d’origine, établie à Lisbonne et parle un français d’une fluidité impressionnante, hérité de quelques années passées en France. Elle me raconte:

“Mon grand-père m’enseignait le nom de toutes les plantes en latin. Ensemble, on cueillait les plantes, on les séchait, on réalisait des herbiers”.

De cette enfance bercée entre les arts et la botanique, elle a gardé le goût des plantes, des fleurs, dont elle observe en détail la nervure et les courbes avant de composer ses toiles. Chacune de ses œuvres consacre une seule espèce car sous ses pinceaux, la plante, la fleur devient portrait. 

Son processus de création révèle la plus grande minutie - de celles qui étonnent dans un monde où l’immédiateté est devenue standard. Weronika Anna Rosa réalise d’abord une composition au crayon, fruit de mille croquis et études de couleurs approfondies, avant de la matérialiser sur la toile. Elle dit de sa voix délicate, aimer “vivre pleinement ce qu’elle dessine, voir comment son sujet se comporte avec la lumière d’un jour à l’autre, du bourgeon à la plante ou à la fleur fanée.” Et lorsqu’elle a longuement observé son sujet jusqu’à capter l’essence de la plante, ou selon ses mots, “rencontré” la fleur, elle s’attelle au dessin, puis à la peinture et la dorure des contours avec une plume japonaise, inspirée de son apprentissage de la peinture sur soie. Surligner les formes, faire émerger les contours par la lumière et réaliser des toiles dont l’objectif, dit-elle, “n’est pas de choquer, de bouleverser mais de chercher la beauté dans les courbes, les couleurs, des fleurs, comme l’art européen de la fin du XIXe siècle”. Alors influencé par les gravures du Japon, la céramique de Chine, l’Art ne recherchait que le Beau. Pas un parti-pris politique ou une volonté de saisir les consciences. 

Peut-être que l’on ne rencontre pas la délicatesse à tous les coins de rue. Ou peut-être faut-il s’appeler Weronika Anna Rosa, la saisir au vol et la distiller sur toile de papier kraft pour que d’autres puissent la croiser un jour.


Lauriane Gepner

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