Coulisses d’une collection

Illustration by Furze Chan

Illustration by Furze Chan

Où sont passés les collectionneurs de timbres ? En marchant rue Drouot devant les échoppes de philatélistes, j’ai souvent imaginé qu’ils étaient tous là. Certains cachés dans l’arrière-boutique, la loupe vissée à l'œil, d’autres tassés derrière des piles et des piles de classeurs ouverts jusqu’au plafond. Piscine de poussière, éclairage faible, passage quasiment inexistant. Mais qu’importe, puisque qu’il y a les timbres, objets d’une quête sans fin ?

Je dois être honnête : enfant, je me suis brièvement prise d’intérêt pour la collection de timbres avant de me lancer dans celle de...  cartes téléphoniques. Mais la seule collec’ qui n’a pas fini dans la poubelle verte et qui a résisté à l’épreuve du temps a commencé quand j’avais 19 ans. L’objet de désir ? Le guide de voyage, une quête dont le point de départ coïncide avec mon premier chagrin d’amour. J’étais alors à l’aéroport, fraîchement séparée de l'être aimé (ou croyais-je...), quand je suis tombée sur un guide Wallpaper Phaidon. Petit, vert pomme et dédié à Buenos Aires. En m’y plongeant, j’ai temporairement trouvé mon salut entre le dulce de leche et la buena onda de Palermo, quelque chose qui disait que tout allait s’arranger et que le monde était bien plus vaste que ma peine de cœur. Bien sûr, les endroits répertoriés dans ce guide étaient presque tous hors budget, sauf les musées, galeries et monuments signés de grands architectes. Reste qu’il est un formidable objet de curiosité et la possibilité d’un ailleurs, deux traits caractéristiques qui m’ont lancée sans m’en rendre compte dans cette collection, qui est aussi une Grande Quête du Guide de Voyage parfait.


Je ne l’ai toujours pas trouvé… Et tant mieux. C’est peut-être ce qui me pousse à les collectionner, comme un philatéliste de la rue Drouot. Dès qu’un guide sort du classique Routard-Lonely-Cartoville, il m’interpelle. Il y a d’abord les premières impressions, l’envie de les dépasser, de lire entre les lignes, de saisir en voyageant ce qu’aucun mot ou image ne suffit à décrire. C’est avec ces objets que je voyage parfois sans bouger, grâce à eux aussi que j’ai un jour écrit un guide de voyage sur Lisbonne, dans ce fameux monde d’avant. Trêve d’intro, voilà quelques pièces choisies de ma collection, illustrées par la talentueuse Furze Chan.

Katie and Alonso’s guide to Barcelone

Lauréat de ma catégorie préférée, le “guide fait maison”. Un zine, donc, réalisé par l’illustratrice Katie Shelly et son doux et tendre Alonso, auto-publié, imprimé en risographie dans un petit atelier de Barcelone. Tout est parti du sentiment d’être devenus “experts de Barcelone” et donc régulièrement consultés par des amis, amis d’amis d’amis à ce sujet. La réponse à toutes leurs questions se tient entre les deux mains : illustrations sympathiques, mine d’informations sans langue de bois, guide par quartier et sélection d’adresses locales. A mettre entre les mains de quiconque doit encore sortir de la Barcelone de l’Auberge espagnole et faire la paix avec son ado intérieur. PS : Le guide de Barcelone est en rupture de stock mais le duo lance bientôt un guide d’Andalousie tout aussi génial.

Guide to Santorini

Ceci n’est pas un guide. Ou plutôt, prenez-le comme le condensé de coups de cœur de la fantastique librairie Atlantis, à Santorin. Ils sont arrivés d’Angleterre il y a trente ans pour des vacances... et ne sont jamais repartis. Ne vous méprenez pas : Santorin est bien cette île envahie de perches à selfie, de mini-piscines et de créatures botoxées. Mais ce qu’il reste de la Santorin d’avant est là, dans cette carte fabriquée et vendue par les doux-dingues d’Atlantis. 


This is Mauritius

Oh que j’aime ces guides de voyage qui réussissent à aller au-delà des clichés. Exemple : Existe-t-il à Maurice autre chose à voir que les superbes et leur déferlante de couples écrasés par la pression de la lune de miel ? La réponse est oui, et ce guide édité par les hôtels SALT la livre avec une grande intelligence, en plus d’être agréable à feuilleter. On y prend la tangente, donc, traversant l'île, de rencontres en artisanat local, tables géniales et petites criques…

A Week Abroad (Pouilles, Marseille, Arles)

Roulement de tambours et tonnerre d’applaudissements pour Charlène Lambert, créatrice de la série de guides de voyage “A Week Abroad”. De beaux cahiers auto-édités qui partent à la conquête du monde en choisissant les meilleurs ambassadeurs pour en parler : les locaux. Le résultat, très réussi, vous donne envie de partir dans la seconde, avec une mine d’adresses géniales que vous aurait donné votre meilleur ami s’il avait le bon goût de venir des Pouilles, de Marseille ou d’Arles.

Louis Vuitton Cityguides

Pour le bonheur de voir un bel objet qui ouvre, entre chroniques et adresses sélectionnées avec soin, les portes d’une ville aux voyageurs dits “exigeants”. Très peu d’images, beaucoup de texte, mais lorsqu’ils sont si bien écrits, la propension à se projeter n’est-elle pas encore plus forte ?

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